Extrait du blog de Christian Piquet : Peut-être serait-ce le moment de profiter de moments estivales prospices au ressourcement ( pour ceux qui le peuvent ) et aussi aux mauvais coups pour s’interroger : Dans quelle situation sommes-nous ? 
Les courants qui, ces dernières semaines, alors que le conflit faisait rage à la SNCF et dans les services publics, s’aventurèrent à imaginer un nouveau printemps des grèves, se sont lourdement trompés d’époque. Non que l’inégalité ne se fût pas, de nos jours, terriblement creusée à mesure que s’installait un nouveau capitalisme, transnationalisé et financiarisé comme jamais. Mais, depuis mai 1968, les cartes ont été rebattues.
Au terme d’une offensive de quelque trente années, les possédants sont parvenus à enclencher une révolution scientifique et technologique ayant remodelé à leur convenance l’ordre productif planétaire, pulvérisé les structures de classes antérieures, fragmenté le salariat, brisé les grandes concentrations industrielles de l’après-guerre, poussé les feux des logiques de dumping social, généralisé les délocalisations.
La liquidation de droits conquis de haute lutte, la déréglementation de l’économie, la destruction orchestrée de l’État social, la flexibilisation du travail, la multiplication des statuts opposant les travailleurs entre eux, le matraquage idéologique visant à mettre en concurrence les individus sont devenues le quotidien de toutes celles et tous ceux qui n’ont que leur force de travail pour richesse.
Dans le même temps, alors que le mouvement ouvrier acquittait le prix de ces sévères défaites, les projets qui avaient si durablement donné sens à ses combats ont fini par afficher leurs échecs, voire leurs faillites, se révélant incapable de relever les gageures du nouveau siècle. De force incarnant l’espoir d’émancipation de l’humanité entière, au fil de trop de rendez-vous manqués et de tant de désillusions, la gauche n’a pas su résister à la spirale du déclin, du discrédit, de la division.
Croire, ou pire faire croire, dans ces conditions, qu’un grand chambardement était à l’ordre du jour sur le court terme s’avérait donc contre-productif, sinon carrément démoralisateur. La tâche nous incombant est plutôt, à la chaleur de chaque confrontation avec l’adversaire, de reconstruire les instruments d’un engagement efficace, de refonder le projet crédible pouvant insuffler de la dynamique à l’action sociale, de porter haut les objectifs politiques à même de changer le rapport des forces. Au service de cette démarche, qui se déploiera nécessairement sur la durée, Mai 68 n’est pas dénué d’enseignements toujours porteurs. Lire la suite →